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archives Donaueschinger Musiktage 2010
Adámek – Cassidy – Dillon – Ferneyhough – Globokar – etc.
Fondé en 1921 – et en cela le plus ancien consacré à la musique contemporaine –, le festival Donaueschinger Musiktage a toujours eu la vocation de défendre des artistes prometteurs. Aux noms d’Hába, Hindemith et Krenek, joués le tout premier été, s’est ajouté celui des pionniers des années cinquante et soixante (Boulez, Henze, Holliger, Ligeti, Penderecki, etc.) puis ceux de Mochizuki [lire notre entretien], Neuwirth ou Widmann [lire notre entretien]. Le présent coffret rend compte de différents concerts de l’édition 2010 ayant résonné en Forêt-Noire du 15 au 17 octobre.
Résolument chambristes, les deux premiers SACD rassemblent six quatuors à cordes – un genre dont le « potentiel à la fois virtuose et intime, rhétorique et dialogué » s’avère fascinant pour certains, « un défi, un tremplin vers une nouvelle direction » pour d’autres. Priorité aux Anciens : le Quatuor Arditti en défend la moitié, ouvrant le programme avec String Quartet n°6 de James Dillon (né en 1950), une création mondiale jouée quelque temps après à Paris par le Quatuor Diotima [lire notre chronique du 17 décembre 2010]. Répondant à une volonté de « performance simultanée » des organisateurs, la formation française livre son interprétation de l’œuvre à la suite des Arditti, tandis que le Quatuor JACK se charge d’une troisième. Avant d’entendre Stringendo, premier quatuor à cordes de Philippe Manoury (né en 1952) – qui déclasse son essai initial dans le domaine, voilà trente ans –, on pourra donc apprécier différentes approches de l’opus britannique – en premier lieu par le tempo choisi, mais aussi par les degrés de fragmentation, de contraste ou de concession à un certain esprit ludique. Il est exceptionnel de disposer ainsi de trois versions gravées d’une œuvre si récente et, rien que pour cela, saluons NEOS.
Quatre autres créations occupent le deuxième SACD.
Riche édifice aux « textures effrénées », son sixième quatuor est une nouvelle occasion pour Brian Ferneyhough (né en 1943) de réfléchir à la perception subjective de l’espace-temps, le musicien se proposant de « créer un méandre de matériaux, des stratégies formelles éphémères et esquisser un cadre temporel provisoire ». Les Diotima défendent ensuite l’anecdotique Lo que no’ contamo’ d’Ondřej Adámek (né en 1979), inspiré d’un flamenco mélancolique qui vise par endroits à atteindre le vibrato de la voix humaine, et Del reflejo de la sombra d’Alberto Posadas (né en 1967), pièce vivace et douée de suspense qui invite Alain Billard à la clarinette basse. Nous retrouvons alors le JACK dans le Deuxième quatuor à cordes de l’Américain Aaron Cassidy (né en 1976), qui séduit par ses contrastes entre granulosité et satin.
Encadrant les délicats Arc-en-ciel Op.37 (1956) et Arc-en-ciel II (création de cette pièce inachevée de 1972) d’Ivan Wyschnegradsky (1893-1979), conçus pour six pianos accordés en douzième de ton, les troisième et quatrième SACD permettent la découverte de quatre œuvres pour orchestre : Let me sing into your ear, concerto en six parties pour cor de basset amplifié et petit ensemble de Marco Stroppa (né en 1959) – lequel poursuit l’exploration de l’espace scénique [lire notre entretien] – ; Radiographie d’un roman pour chœur mixte (avec sept solistes) de Vinko Globokar (né en 1934), qui met en avant l’accordéon, la percussion solo ainsi que l’électronique pour une auscultation en trente-neuf chapitres ; Double up pour échantillonneur et petit orchestre de Simon Steen-Andersen (né en 1976) ; enfin limited approximations, de Georg Friedrich Haas (né en 1953), qui adjoint un orchestre aux six claviers restés sur scène, livrant un concerto d’une demi-heure qui s’achève par une citation de l’aîné au programme, précurseur de la musique microtonale.
Péter Eötvös, Sylvain Cambreling et Rupert Huber sont aux commandes de ces créations. Stroppa nous a particulièrement plu – mélange d’intrusion et d’introspection favorisant l’aérien, l’ébauché et le mystérieux, ponctué par le volubile Marmoreo (de marbre) et le goguenard Rintanato (terré) –, mais également Globokar en héritier des « cris chantés » de Berio et Maderna. La pièce de Haas est apaisante à défaut d’être toujours stimulante. Quant à lui séduisant au départ, le post-modernisme de Steen-Andersen tourne vite en rond.
LB